À propos de sa peinture

Sa peinture

La peinture d'Hester Van Wijngaarden
par Sélim Saïah

Là, devant moi, à quelques mètres, pareil à la lumière d’un ciel s’inscrivant dans la découpe d’une baie, un tableau accroche mon regard et m’attire. Je m’approche de lui à pas comptés, comme si je craignais de le faire fuir. Je le regarde un peu de biais. C’est un polyptyque qui représente trois chevaux.
peinture d'Hester Van Wijngaarden

Il y a quelque chose de caravagesque dans ce travail. Pourtant, pas de mise en lumière, pas «d’éclairage» au sens théâtral du mot, seulement trois chevaux, de face…  En fait, une construction très rigoureuse ordonne l'ensemble, c'est elle qui permet d’opposer des chevaux surpris, en mouvement, de les fixer mi-corps ou en pied, grandeur nature, comme un instantané sans avant plan, directement face au regardeur. C'est ce qui confère une présence extraordinaire, que renforce encore l’absence d’arrière-plan, comme une mise hors situation qui annule toute anecdote.

C’est une peinture lisse, sans ménagement, mais sans violence, avec fermeté, sans heurt, où se combinent la délicatesse des glacis et l’impétuosité du dessin. Des bleus courent le long des gris, des ocres et des rouges palpitent dans les ombres. La peinture à l’huile est là, pleine de toute sa richesse et de son raffinement, pure, débarrassée de tout accessoire, elle coule comme le fleuve d’un baroque nouveau, affirmant dans un jeu d’opposition de couleurs la valeur expressive de la lumière, figeant l’action dramatique, révélant l’instanta­néité du message : Il s’agit de pulsions, de la racine même de la vie, de ce qui en fait le sens ultime, il s’agit de liberté bien sûr, avec, dans la chaleur ressentie de la peau, les veines gonflées, le soyeux des robes, ce je ne sais quoi de sensualité troublante.

Ici, l’œil des chevaux n’est pas celui, ivre de la folie des hommes, chargé de sang et de douleur, que l'on trouve chez Géricault ou Delacroix. Malgré le spectaculaire affirmé, l’œil est calme, maître de la situation, il observe, il contrôle, et l’apparente exaltation n’est là que pour mettre en évidence l’expression de la grâce et de la légèreté, comme autant de contradictions auxquelles l’animal nous renvoie, à la fois puissant et fragile, fougueux mais craintif, symbole de liberté et serviteur soumis… Le cheval est ici un Janus esthétique, le commencement et la fin, le blanc et le noir, la brutalité et l’élégance… Sous le rire exubérant de la vie coulent les larmes du désespoir, alors apparaissent classiquement belles et effrayantes, sous le teint diaphane des blancs, la chaleur sombre et l’excitation de la chair brûlée...     

Et cela ne peut exister que par cet agencement minutieux, par ce savant cadrage, qui, tel un opéra muet permet le déploiement des rythmes, des lignes, des couleurs et des silences. Alors me vient à l’esprit le portrait de Charles 1er roi d’Angleterre, par Van Dyck ; c’est un double portrait, celui du roi qui a mis pied à terre, et celui du cheval à ses côtés. Et soudain, je réalise qu’en isolant le portrait du cheval, j’obtiens un cadrage à la Van Wijngaarden…

Il en est ainsi des vrais peintres, ils ouvrent un monde et ferment une boucle…

La peinture d'Hester Van Wijngaarden
par l'artiste elle-même

Le CHEVAL et la PEINTURE


Pousser le cheval dans sa nature. Le jeu de l'ombre et de la lumière. Rentrer dans le vif, trouver sa force, la porter au jour, dans son épanouissement maximum.

Pour ma part les deux fréquentations, cheval et peinture, sont étroitement liées.

 

Ne sommes-nous pas en perpétuelle évolution ? La peinture, tout comme l’équitation, est une question d’équilibre et d’harmonie, telle que je l’entends. Ce n’est pas un équilibre figé. C’est dans le mouvement, même infime, que je le trouve. Ensuite pourrais-je tendre vers une harmonie. 


Aujourd’hui je peins pour la première fois de ma vie. Demain il en ira de même. La peinture n’explique pas la vie. Elle montre. Elle est le mouvement de la main sur le chemin d’une forme qui montre la vie. Je ne l’invente pas, je l’accompagne. Parfois très lentement, parfois cela s’accélère. 


Personne ne peut faire l’impasse sur le temps. Ici je vis entre les murs construits et reconstruits pendant des siècles. C’est le Causse du Quercy. De ces murs j’en ai rencontré dans les Alpes Maritimes, en Lozère, partout où il y a de la pierre. Ces mains qui les ont construits avaient compris le temps. Pierre après pierre. Elles avaient compris l’équilibre et l’harmonie. 

Quand la toile a commencée à être construite, il arrive un moment où tout va basculer. C’est un moment primordial qui arrive de façon assez spontanée. De la construction naît un mouvement. Avec ce mouvement, tout devient possible. De façon naturelle je rentre alors dans une autre dimension. On pourrait la définir comme chamanique, dans le sens où auparavant rien de cette ambiance n’avait existé. Ce qui était invisible devient perceptible.


 La peinture bouscule.



peinture d'Hester van Wijngaarden


La peinture d'Hester Van Wijngaarden 
par Guy Rigo


Taureaux, Eléphants, Chevaux sont parmi les plus gros mammifères terrestres. Ils symbolisent les forces de la terre. Ce sont des souffleurs dont la trompe et les naseaux exhalent la puissance tellurique. Ce sont des primitifs et des nobles. Symboliquement chargés dans l'inconscient collectif ils ont inspiré les mythes fondateurs de l'humanité et participent encore à l'histoire des hommes.

Le noir et le blanc, principales couleurs de l'œuvre sont aussi des primitives. Elles sont les forces d'opposition de toutes choses d'où naîtront la forme et la matière, les creux et les bosses, le rythme et la musique. Comme les ténèbres et la lumière du premier livre, le noir et le blanc sont le commencement, un ancrage génésique du geste de création, un constant rappel aux origines et aux énergies primordiales qui les animent.


Chez Hester van Wijngaarden l'approche figurative du sujet se concentre dans le regard résolument réaliste. C'est le parti pris d'une représentation mimétique du monde. Entre ce qui est et ce que se perçoit se trouve l'œil, lui-même peint comme une tentative de vision non subjective du monde.
C'est le contre-pied d'une démarche d'appropriation délibérément transformatrice et personnelle.
Le réel n'est pas à fuir. Le réel n'est pas un rêve ni une philosophie. Le réel est. L'œil nous le rappelle avec une singulière insistance.
Faut-il le courage, la sagesse et la noblesse des souffleurs pour porter ce regard là et nous inspirer? Peut-être. Ces trois monstres sacrés de l'histoire des hommes, sous la brosse et les pinceaux d'Hester van Wijngaarden, sont devenus mentors.
A la lumière d’un œil tutélaire s’amorce une réflexion sur le monde et sur notre rapport à lui, émerge une idée. Entre le temps qui s'écoule - l'éléphant vieillard - et le temps qui s’arrête - le taureau sacrifié -, il existe le temps de la liberté ou celui de la libération - le cheval. Il est la clé de voûte d'une nouvelle parabole. Le cheval est le seul acteur de la trilogie qui est saisi en postures complexes et parfois libéré de l'apesanteur. Il traduit dans un lyrisme fougueux l'exaltation de vivre. 

L'approche picturale proposée par Hester van Wijngaarden est bien celle d'une nature vibrante et kinesthésique. Par les modelés du corps, la turgescence des veines, la saillance des masses musculaires, l'épaisseur des peaux crevassées, elle donne à toucher, à pétrir, à palper. C'est un monde physique qu'elle évoque, qu'elle invoque et qu'elle provoque enfin dans une sorte d'obstination à produire de la matière vivante à partir d'une surface plane. 
On se souvient de la phrase de Paul Eluard : « Le poète inspire plus qu'il n'est inspiré ». Le peintre inspire.


Pour autant si l'effort de figuration prévaut dans l'approche du vivant, il finit par céder le pas aux injonctions du "Je" et de la projection subjective. Les touches rouges et bleu nous le rappellent. Plus encore les abstractions du second plan (du fond?) dont les courbes et les droites isolent le sujet de son environnement naturel et le replacent dans un univers de géométrie segmentaire, d'ondes et de flux magnétiques. 

Il n'y a pas d'arbres, il n'y a pas de prés, pas de ciels. C'est la vision du treillis matriciel auquel le sujet s’adosse.
Finalement la dichotomie l'emporte.
Entre nature et culture, l'animal nous observe.


par Daniel Lefranc


Hester Van Wijngaarden peintre animalier?
Certes Hester peint des éléphants, des taureaux et des chevaux mais ce qui nous submerge c’est un autre regard porté sur la gent animale. Hester nous contraint à voir dans la plus grande conquête de l’homme, le cheval, un être qui vit, qui souffre, qui a peur, qui rue, qui s’ébroue…
Le personnage central de sa peinture, le cheval, est doté d’une âme et de sentiments, qu’elle nous permet de percevoir grâce à la magie de son expression picturale.

Romantique? Assurément, mais à la manière d’un Géricault capable de cristalliser dans le regard du cheval la frayeur du cuirassier blessé quittant le champ de bataille (1812).
Romantique ou plutôt lyrique? 
Les animaux mis en scène sont rarement au repos, Hester se plait à évoquer la vie, emprisonnant dans des instantanés les soubresauts d’animaux débordants de vitalité, de fougue. Cette fougue nous la retrouvons dans sa pratique picturale; en s’exprimant habituellement sur des grands formats, la gestuelle du peintre est ample, généreuse, et en ce sens, Hester laisse percevoir un certain lyrisme.
Quant au romantisme il serait à rechercher dans les éclairages de ses modèles...et dans la pénombre qui les enveloppe.
Si le classicisme repose sur la réutilisation des œuvres antiques (ou remises au goût du jour), le romantisme prend plaisir à privilégier l'imaginaire, l'envolée lyrique, la fougue, la violence des sentiments.
Les animaux d’Hester évoluent en dehors de tout contexte identifiable, pourtant « les fonds » ont souvent pour mission d’exalter le mouvement de l’animal. Ils participent à la dynamique de l’œuvre. Les animaux évoluent fréquemment dans l’ombre où un éclairage théâtral révèle l’éparpillement d’une crinière ou les plissements ancestraux de l’épiderme des éléphants. En ce sens, la peinture d’Hester s’inscrit dans un romantisme formel, plus que conceptuel. La violence de ses figures, la nervosité de l’écriture, la maîtrise parfaite de la lumière et du dessin en font une artiste inclassable, étrangère à tous les mouvements, à toutes les écoles.

Dans l’acte de peindre ses figures animalières, Hester traque paradoxalement l’humanité, qui émerge et nous éclabousse.
Cette bonté, cette compassion lisible dans l’expression du regard de l’animal nous renvoie à la maîtrise de son Art, car ne nous y trompons pas, ce qu’Hester nous communique, cette illusion de la spontanéité masque le travail intense que l’artiste effectue sur elle-même.


par Virginie Guignot


S'arrêter et regarder. 
Un regard, un mouvement, un instant. 
Hester van Wijngaarden travaille sur des séries, il y a les taureaux, les chevaux puis les éléphants. 
Les tableaux sont autant de fragments géants de vie. Le cadre est morcelé, l'animal est le plus souvent décontextualisé.
L'ultra réalisme côtoie le fantomatique, l'épure sublime l'académisme. Chercher l'essence de cette force brute qui transcende la barrière des espèces : Matière, mouvement, lumière, l'empathie que provoque un regard... 

S'arrêter et regarder. Peut-être essayer de comprendre ? 
La fragilité monumentale de l'éléphant, la fureur du taureau, la coopération bienveillante du cheval. Chaque toile d’Hester van Wijngaarden est un portrait en creux de l'énergie sauvage et brutale de notre nature, et nous pose obsessionnellement cette question : Finalement de l'animal ou de l'humain, qui regarde qui ?

Qui comprend qui ? Qui juge qui ?


par Thierry Piquet


Hester Van Wijngaarden, à la manière d’un « chasseur chaman », capture l’énergie des animaux pour la libérer sur la toile. 
Les sujets qu’elle choisit - le taureau, le cheval, l’éléphant - constituent des archétypes, symboles d’une mythologie universelle : la force de terre du taureau, la puissance tranquille de l’éléphant, la noblesse émotive du cheval,

On est loin de la tradition picturale animalière bien léchée; l’artiste triture les corps mais en respectant ce qu’ils expriment. Elle brise l’anatomie par un travail sur les matières et la lumière. Sans cesse, elle recompose et interprète son bestiaire.
Hester Van Wijngaarden crée de manière totalement libre, instinctive, primitive et pleine d’une énergie vitale.
Elle revendique la simplicité d’une peinture qui gomme la frontière entre figuration et abstraction.
Les formats sont imposants, pourtant les sujets cherchent à se libérer de leurs cadres. Ils y parviennent parfois. La palette, elle, est sobre: des noirs et des blancs purs, des gris nuancés, des ocres, tout une gamme de bruns. Les couleurs viennent discrètement apporter de la vie. Ses oeuvres fortes sont le résultat d’un équilibre fragile entre ombre et lumière, entre ce qui est représenté et ce qui est suggéré.

« L’ordre dans le chaos, l’obéissance dans l’indiscipline, c’est un rêve du réel et la réalité rêvée »
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